Entretien avec Thomas Ruyant, avant le grand départ

Marine : Déjà 52 offres d'emploi reçues, des candidats qui commencent à passer leurs 1ers entretien, et même Mostafa qui a déjà démarré un job.. ça te fait quoi d'avoir un projet comme Entourage Pro derrière toi ?

Thomas : Bien sûr, c'est une vraie fierté d'avoir Entourage Pro dans mes voiles ! J'ai aimé dès le début dans ce projet l'aspect moderne d'utiliser le digital, la façon innovante de faire de l'inclusion, en partageant les CV de personnes précaires. Entourage Pro m'a tout de suite convaincu. Et puis je trouve que la Course au Changement qu'on créé, avoir du sport, des entreprises et une cause... ça marche ! Et c'est un vrai bonheur de voir que le triptyque fonctionne. Je compte bien sûr sur tout le monde pour que le projet carbure, pour que les CV soient partagés. Moi, ça me met une envie, une bonne pression supplémentaire de faire les choses bien. Plus j'irai loin plus le message sera entendu, donc je vais vraiment faire du mieux que je peux, et jouer aux avant-postes.

Martin, 7 ans : qu'est-ce que tu fais si ton bateau chavire ?
Thomas : moi, j'ai un monocoque, qui a du poids au bout de la quille. La moitié du poids du bateau se trouve sous l'eau, donc mon bateau il va être à l'endroit, il ne va pas chavirer grâce à ça.On peut être amené à rencontrer des OFNI et avoir de problèmes de quille, mais on a plein d'éléments de sécurité à bord, on a des radeaux de survie, on a des moyens de prévenir l'extérieur en cas de problème. Mais d'une façon générale, le monocoque ne chavire pas !

Louis, est-ce que tu dois pêcher pour te nourrir ?

Thomas : Non, j'ai pas le temps de pêcher et mon bateau va beaucoup trop vite pour que les poissons aient le temps de s'accrocher à mon hameçon ! La nourriture est un vrai sujet à bord : tout est fait pour me faciliter la tâche dans mes repas et ma façon de manger. On a travaillé avec une diététicienne pour avoir une bonne vision de tout le tour du monde : on n'a pas les mêmes besoins selon les zones (chaudes, tempérées, froides-... Madeleine et Enora de l'équipe TR Racing, ont tout prêté. 1 gros sac correspond à 1 semaine de nourriture. On a des sachets journée : et un peu de grignotage aussi. C'est de la nourriture très simple : déshydratée ou sous vide, que je réchauffe avec mon réchaud, pour réhydrater la nourriture. Et la bonne nouvelle, c 'est que c'est bon ! Il y a eu beaucoup de progrès !


Alix : comment tu fais pour garder contact avec tes proches ? Est-ce que tu as le droit de les appeler tous les jours ?

Thomas : alors oui j'aurais le droit mais ce n'est pas mon fonctionnement. J'ai un accès internet grâce à un satellite, comme à la maison sauf que ça coûte un peu plus cher. J'ai plusieurs contacts : avec les organisateurs. Je peux envoyer des sons, des vidéos, des photos, des textes, je peux écrire des mails. Mais surtout je traite beaucoup d'informations météo pour établir une stratégie.
À côté de tout ça, j'ai aussi un téléphone iridium, qui me permet d'appeler la terre : ma femme, mes enfants, mes parents. C'est pas quelque chose que je fais tous les jours, parce qu'il y a un gros décalage entre ce qu'on vit à bord et sur terre. Donc j'écris beaucoup de mails, et on s'appelle 1 fois par semaine.


Kenny : est-ce que tu as peur ?

Thomas : oui, je peux avoir un peu peur. Sur le moment, je suis plutôt dans la réaction et dans la lucidité pour réparer le problème. J'ai plutôt peur après coup. Par exemple, quand j'ai abimé mon bateau au large de la Nouvelle Zélande, j'ai eu très peur. Après je suis très entraîné pour ça, on a tout ce qui faut à bord pour réparer le bateau en cas de casse, mais il y a de la pression oui !


As-tu des éléments météo sur le départ ? Une fois que je serai à bord, je serai tout seul pour traiter les informations météo. Pour les 1èrs jours, conditions parfaites : au travers, vent de 14 noeuds, en route direct vers le cap finistère. Je suis vraiment content de ces bonnes conditions. On va avoir une petite dépression au bout de quelques jours, avec 25 à 30 noeuds avec des rafales de fond. Puis une deuxième dépression au large du Portugal, où il y aura une négociation d'un petit fond ça fera des premiers jours assez toniques. Et rapidement, on va retrouver un peu de chaud, et un régime d'alizés qui s'installera. La trajectoire est pas figée, mais j'ajusterai le tir sur l'eau


Tu pars pour combien de jour à ton avis ?On est toujours sur 70 jours ?

Thomas : Alors c'est compliqué parce que j'ai pas les prévisions à 70 jours, on a juste les premiers jours comme information. On va pouvoir naviguer autour de 70/75 jours de course. En 2016, Armel Le Cléach, le précédent vainqueur, avait mis 73 jours.
J'ai 80 jours de nourriture, donc normalement je suis large, j'ai ce qui faut à bord.


Le parcours ?


Descente de l'atlantique nord, et l'arrivée dans le pot-au-noir, après on a le contournement de l'anticyclone de Saint-Hélène, puis 1er passage de cap, cap de Bonne Espérance, et c'est vraiment à ce moment là que les choses sérieuses commencent, car on est loin de tout avec des conditions météo difficiles, même si c'est l'été austral dans le sud. Tout l'océan indien, océan pacifique, où on passe les 3 caps : c'est le gros morceau de cette course du Vendée Globe. Une fois qu'on a passé le cap horn, c'est le retour à la maison, avec la traversée de 2 océans : atlantique sud, atlantique nord.

Comment tu fais pour t'occuper ? Livre, podcast, lecture ?

Thomas : Je suis déjà bien occupé à bord avec la marche du bateau, la prise d'info météo, les temps de sommeil, les repas... mais j'ai aussi besoin de prendre du recul et d'avoir d'autres histoires en tête. Je prends de la musique, pas mal de podcasts, que j'écoute dans mon cockpit pour que mon esprit décroche de la compétition.C'est très important d'avoir ces moments-là, j'ai des livres à bord mais c'est compliqué de lire parce que ça bouge beaucoup. Les films me permettent de me décentrer un peu, ça fait du bien.

Comment t'encourager pendant ce Vendée Gobe ? Comment rentrer en contact avec toi ?

Thomas : Il y a des gens à terre qui peuvent recevoir tous les petits mots et qui me transfèrent l'info sur mon bateau. Il y a beaucoup de monde qui suivent le projet : il y a des gens derrière, ça me donne de la pêche et de l'énergie. Vous n'aurez pas accès à mon numéro de téléphone et à mon mail, mais mon équipe me fera suivre les petits mots.

Merci pour vos messages et vos encouragements : sachez que je suis prêt !

Le 6 novembre 2020